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jeudi 8 février 2018

“Nous, Tikopia” au FIFO

Un film pas comme les autres…



Nous, Tikopia”, sélectionné dans la catégorie Hors-compétition avait choisi le FIFO pour sa sortie en 1ère mondiale, tout comme le film samoan “Leitis in Waiting”. S’étant immergé pendant 9 mois dans cette île polynésienne de l’archipel des Salomon, le réalisateur Corto Fajal se faisait une fête de côtoyer les autres mondes océaniens.

Coutumier du tournage au long cours, comme pour Jon face au vent (2011), il s’en explique : « Faire des films est un moyen de vivre des expériences extraordinaires : c’est la raison pour laquelle je préfère prendre mon temps et vivre pleinement l’aventure de chacun de mes films ».

Tikopia, cette grande dame qui nous parle…
Mais ce n’est pas pour jouer les prolongations que Nous, Tikopia dure 101 minutes, c’est-à-dire presque deux fois plus que le 52-minutes imposé par les Télévisions. Raison pour laquelle il ne pouvait figurer dans la Compétition FIFO. Ainsi que le souligne Guillaume Soulez, professeur et chercheur à l’Ircav (Institut de recherche sur le cinéma et l’audiovisuel), à propos du film documentaire : « l’élargissement du format peut donc être vu, paradoxalement, comme une bonne nouvelle, celle d’une prise de conscience d’un certain nombre d’enjeux liés à l’existence d’une parole documentaire dans l’espace public… ». Soit dit en clair, créer la synergie du documentaire en salle et des débats collectifs.

Un documentaire-fiction ?
Le véritable argument, Corto Fajal le livre ainsi : « à force de fréquenter les habitants de Tikopia, évoquant le dialogue qu’ils entretiennent avec leur terre, l’île s’est imposée comme un personnage ». La voix off est celle de l’île. Mais que dit-elle ? Son discours, est tiré des légendes et du travail de scribe que le réalisateur-scénariste a effectué auprès de ses initiateurs tikopiens. À partir de là, le format long métrage devenait une évidence. D’autant que le scénario bien construit n’amène aucune redite, qu’il suit une progression narrative évidente : qu’il passe de l’âge de l’implantation des habitants sur l’île, au mode de vie traditionnel contemporain puis aux problématiques d’avenir…

Les gestes du quotidien
Le réalisateur introduit cette nouveauté pour un documentaire, de se faire initier : clin d’œil au Brésilien Carlos Castaneda, mais bien davantage, réel envie de connaître de l’intérieur… Ses interlocuteurs insulaires n’ont cessé de lui répéter qu’il lui appartenait d’écouter sa terre originelle ; que s’il ne savait pas le faire, c’est qu’il l’avait oublié ; eux, ne pouvaient qu’entendre la leur. « Depuis 3000 ans, les Tikopiens considèrent leur île comme un être vivant qui les abrite, les protège et les nourrit. Ils ont bâti avec elle une relation particulière faite de droits et de devoirs réciproques. Son avis est régulièrement sollicité lors des grandes décisions concernant la vie sur l’île ». Ce n’est pas anodin !

Corto Fajal a donc appris à vivre dans un contexte où « l’argent et les administrations centrales n’existent pas, où le droit d’usage est plus important que la propriété. » Il percevait entre autres, que « du fait de leur isolement, ils (les Tikopiens) devaient prendre en compte leur milieu de vie… »


Un cinéaste responsable :
C’est donc à lui, en retour de l’hospitalité reçue, que revient la responsabilité de porter le message qu’ils lui ont transmis. Et de leur être solidaire : c’est ainsi qu’il a mené « l’opération Tikopia » en France, avant de revenir boucler le tournage. Une façon de concrétiser l’aventure de cette rencontre.

Corto Fajal, le réalisateur, au FIFO
Exerçant un métier dont les contraintes le poussent à être technicien de l’image autant que concepteur, vu les conditions extrêmes de tournage, il est habitué au dénuement. D’autre part, être cinéaste, c’est aussi communiquer avec le public. À la seule projection du FIFO, ce mardi, avant vos verdicts : il était impatient de partager anonymement les impressions d’une assistance qui ne le connaît pas…

L’échange solidaire
Pour vous laisser déguster la dernière projection de ce samedi au petit théâtre à 10 h 35, et ne pas préjuger de votre opinion… je ne vous susurrerai que quelques éléments de Nous, Tikopia : des images soignées dans le détail ; des moments grandioses d’apnée entre mer et volcan… toutes prises sur le vif… Une poésie du texte et de l’atmosphère. Une immersion organique où vous ressentez jusqu’à la musique de la nature. Mais aussi celle des drames, du deuil, celle de la menace des éruptions ou des typhons, celle du manque. L’insolite des jeux, des comportements et des gestes familiers que le réalisateur a attrapés au vol pour vous baigner de ces sensations qui ont été les siennes. Le teaser sur ce lien.

Et puis, bien entendu, cette réflexion en filigrane sur le devenir d’un microcosme que sollicite la modernisation… la grande expectative !


Un article de Monak

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