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dimanche 18 mars 2018

"Ena Koe" au 15ème FIFO


Un film Mā'ohi-Māori

Pour souligner encore les particularités qui ont émaillé le Fifo 2018, un petit détour par cette 9ème nuit de la fiction avec"Ena Koe" coréalisation néo-zélandaise et polynésienne.

Tiairani Drollet-Le Caill, productrice de Indigitale Tahiti, interviewée durant le festival vous explique les circonstances de cette production fictionnelle. « Dans le cadre du Māoriland film festival en Nouvelle-Zélande, la création de ce mini-métrage de 7 minutes a été un challenge non-stop, de la conception au montage. Le tout en 72 heures ! Dans l’équipe de Ena Koe, deux cinéastes māori, Hanelle Harris, Lennie Hill, et un mā'ohi, Manuarii Bonnefin. »

Tiairani Drollet-Le Caill au FIFO
« Ce n’est pas qu’un mélange de nationalités, mais un mixage de compétences : à la fois scénaristes, réalisateurs, techniciens et acteurs, les nécessités du métier encore jeune en Océanie exigent qu’ils soient polyvalents. Cette section créative du festival, The Native Slam, ou Chelem indigène, est fortement prisée car elle combine des idées, se confronte à toutes les étapes de la réalisation, brasse les horizons, rassemble sur place de jeunes étudiants en cinéma qui alimentent leur CV d’une expérience pratique et enfin… des bénévoles. »

Seize nations et tous les âges : « pas de limites de genres non plus… Chacun peut s’y essayer à tout moment de sa carrière… ce qui mêle les points de vue et permet cette communication constructive » māori-mā'ohi.

Lourd thème au ton léger
Ena Koe « aborde ce problème récurrent qui concerne la femme indépendante dans nos sociétés. Elle travaille, elle a un gamin. Élever seule un enfant, c’est souvent un casse-tête qui n’a pas d’issue. » Se perçoit aussi, avec la présence de ce bébé qui ne parle pas avec des mots, mais dont le babil tente de créer des liens, le sort des enfants de la séparation…

« Traiter d’un sujet grave sur un ton léger, c’est peut-être une manière qui nous appartient de ce côté-là de l’Océan, une question de climat (sourire) ? C’est peut-être en éluder les approfondissements possibles… » Mais aussi, en introduisant cet élément de suspense lié à l’apparition nocturne de ce bébé anonyme, c’est entretenir un ressort dynamique dans le scénario.

Hanelle Harris, actrice and co…
La fin ouverte ne réduit pas le film à une histoire particulière, mais confère une dimension universelle à… « la parabole. Une volonté de Manuarii Bonnefin de laisser le spectateur libre d’interpréter la suite de l’histoire.»

Les mille facettes de Manu
Ça y est, le nom est lâché ! Non seulement Manu est réalisateur, mais encore il est l’un des acteurs du film. Tiairani, présente au tournage, nous en apprend de belles : « Avec une échéance si courte, chacun a assumé son rôle. Manu s’est autodirigé. » Le résultat est loin d’être anodin : le personnage révèle à la fois sa situation de mâle éberlué par ce qui lui arrive et maintient la pression à propos de cet enfant venu de nulle part. Enlèvement, abandon ? L’acteur ménage ses effets et nous laisse en haleine. 

Quant au dialogue entre le personnage et le bébé, l’insistance qu’il y met pour obtenir une réponse…même s’il prend l’allure d’un monologue sans réponse, il apporte cette note de gaieté et d’interrogation profonde à la fois qui donne toute son importance au nourrisson : une personne à part entière, qui écoute, comprend, vit et souffre. Ce genre d’évidences, notre monde a souvent l’habitude de l’oublier ! Cette démarche est intéressante dans le film et le valorise.

Un bébé au cœur du suspense...
« Apprendre le texte en māori, un autre défi que Manu a dû accomplir à 2 minutes du tournage ! » Mais tout le monde connaît les capacités de mémorisation des Océaniens !

Petit film, et déjà une histoire…
« Avec un budget de 800 $NZ, le court-métrage a été bien perçu durant le festival néo-zélandais. Il a remporté le 2ème prix du festival néo-zélandais. » Il a eu une seconde vie avant le FIFO, à Tahiti, au cours du T Tahiti Mā'ohi-Māori Film Festival en octobre 2017, à Punaauia.

Dirigé par Tiairani Drollet-Le Caill, ce festival accueillait, outre ses hôtes Néo-zélandais, une autre production de Manuarii Bonnefin, Feti’a, qui a arraché les prix du meilleur film, de la meilleure actrice et du meilleur acteur. Mais ceci est une autre histoire 

Manuarii Bonnefin, un arôme d’acteur…
La courte-fiction est en bonne voie du côté des cinéastes océaniens et en Océanie… Reste qu’elle manque de visibilité sur les écrans ou n’a pas encore vraiment accédé à une place de choix… Elle transparaît encore comme un sous-genre, puisqu’elle ne peut rafler davantage de budget.


Un article de Monak

Tous droits réservés à Monak. Demandez l’autorisation de l’auteur avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.



samedi 10 mars 2018

FIFO 2018 "Barthélémy"


Une brèche dans le paysage

Dans la catégorie Hors-compétition du FIFO, "Barthélémy" ouvre une brèche dans la culture populaire fondamentalement musicale de la Polynésie… Une approche hélas trop brève pour le "king" de la musique "kaina"… décédé prématurément.

Pour appréhender rapidement la part polynésienne de cette sélection, on pourrait la résumer de façon identitaire ainsi : la voix du fenua, l’écho de l’océan, la pugnacité… Trois éléments indissociables qui brossent trois portraits issus de différentes générations. La plus jeune dans Rame avec Alexandra de Philippe Sintes, la médiane et l’aînée…

Un chanteur populaire, le"Kaina"
Tout comme pour Michel Bourez, surfeur, du réalisateur Karim Mahdjouba, mine de rien et pour une population polynésienne si peu nombreuse, trois destins impressionnants. Pris à des moments distincts de leur parcours, mais pour chacun après l’expérience de l’adversité, ils résument à eux seuls, les trois facettes de l’identité polynésienne. L’énergie vitale d’un frénétique de la gamme, d’un lyrique de la vague, d’une enragée du bonheur : tous passionnés de la vie !

Le documentaire sur "le dernier kaina", a déjà été sélectionné en compétition pour le Festival du film documentaire 50/1. Écrit par le réalisateur Jonathan Bougard que nous avons interviewé, il capte le chanteur-compositeur au cours de sa dernière année d’existence : « Barthé, j’aurais bien aimé qu’il voie le film ! »

« Virtuose de l’impro… »
« Tourné en 2014, c’était mon premier film. Mais j’avais déjà accroché à sa personnalité atypique au cours d’un reportage photo où je le rencontrais pour la première fois : un hommage, avec Angelo, à un piroguier disparu. Il était capable de jouer et de chanter pendant des heures, voire la journée entière ! »

Jonathan Bougard, ne se sent pas vraiment à l’aise, face à un artiste qui n’avait pas encore mis la dernière note à sa composition… Se retrouver, du fait de la mort inattendue du chanteur, en tant que chroniqueur devenu nécrologue, lui pèse… Un rôle dont il se serait abstenu, d’autant qu’il le trouve « incroyable, génial même… et que son influence est très présente ». 

Un réalisateur ému : Jonathan Bougard
« Barthélémy est imposant, mais surtout, simple, cordial…, c’est dans son caractère. Indépendant… oui ; mais je ne sais pas si on pouvait le qualifier de rebelle ; en tout cas, l’appellation ne vient pas de moi. Il n’a pas composé de chansons engagées ; le nucléaire… », il n’y faisait allusion que par bravade, avec tous les sous-entendus désapprobateurs que chacun imagine, « à chaque fois qu’on évoquait les risques qu’il encourait : "…et la bombe atomique, c’est bon pour la santé ?"

Au détour des pérégrinations
Son inspiration ? « La rue : il y passait sa vie de plus en plus ; au plus près des gens ; son chez lui ; parfois il dormait dehors… » Plus simplement la vie, le monde qui l’entoure. « À peine sorti du coma, après sa tournée à Nouméa, qu’on le retrouve sur le toit de l’hôpital en train de chanter avec des musiciens sur une nouvelle composition… Il improvisait, il improvisait tout le temps ».

Alors, tu as des inédits ! « On m’a volé ma carte mémoire ! Et puis, si la bringue, c’est un peu sa façon de vivre, dans une bringue les images ne sont pas exploitables. Il avait l’habitude de claquer son cachet dans la soirée. Il se trouvait même obligé de jouer en live, pour manger. Il est un peu comme son ami, le 'ōrero Sem Manutahi, une force de la nature… sur lequel j’ai fait aussi des images. »

Sem Manutahi, « grand maître de l’art oratoire »

Le tournage c’est, pour Jonathan, une façon de livrer l’artiste dans sa vérité. « Adopté, je faisais partie de son monde d’origine, je pouvais l’approcher…  Pour un tel film, une seule caméra c’est l’idéal, plus intimiste… Malgré sa maladie, il restait proche des gens, disponible… Imposant, mais il se pliait aux contraintes du tournage, dans des cadres divers, ceux qu’il avait l’habitude de fréquenter ; sans se lasser. Jean-Philippe Joaquim, le coréalisateur qui s’appuie la partie technique, a pu le faire chanter durant des après-midis entières. » Mais pas seulement, une perception qui cible à l’image, l’artiste au cœur de son environnement et à fleur de peau…

Barthélémy, un souffle…
Il fallait pouvoir rendre compte d’un esprit, d’une mentalité, être au plus près d’un naturel polynésien que porte le chanteur dans ses prestations, comme dans ses compositions. À travers ses images, le réalisateur a réussi à nous transmettre avec sensibilité tout cet aspect à la fois festif, nostalgique et sentimental d’un artiste qui se cache derrière un gros éclat de rire.

Petite rétrospective avec Barthélémy
Barthélémy, le dernier des kaina a de l’avenir. Déjà, il tourne dans les festivals de cinéma métropolitains… Il y retrouve aussi les communautés polynésiennes qui y sont éparpillées. Il voyage dans nos mémoires et sur les ukulélés des musiciens de la rue…


Un article de Monak
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