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Le nouveau roman de de Monak à lire absolument

mercredi 22 novembre 2017

Les dits de Ned Choquitto



La parole au public

Ned Choquitto ou l’autre Don Quichotte” poursuit son bonhomme de chemin depuis cinq mois entre Tahiti et ses îles. Le spectacle de la Cie “To’u Fenua e Motu” semble avoir remporté l’adhésion des spectateurs de ces quelques représentations en Polynésie…

Pourquoi une telle unanimité de la part d’une assistante hétéroclite et majoritairement locale ? Les explications qui suivent, tirées directement des propos glanés sur le vif ou sur la toile, ont juste été classées… Connaisseurs ou profanes, érudits ou novices en arts scéniques, ils s’accordent tous à vanter les mérites du spectacle et son impact affectif : « Scène habitée, féconde, pêchue », « jeu vif, puissant, généreux, magistral », « contenu riche, bigarré, frappant », « le plaisir des sens est au rendez-vous ».

« … si nous vivons toi et moi… »
Les acteurs, Dylan Tiarii et Maki Teharuru, pour leur première prestation professionnelle auraient-ils rencontré leur public ? Ainsi s’exprime l’un de leurs admirateurs : « Ce qui nous reste quand l’anecdotique est décanté, c’est qu’il s’agit de nous, Polynésiens. Cette parabole dénonce, dans ce panorama du non-droit banalisé qui traverse les siècles, comment notre peuple, dépossédé de sa culture, décide de se la réapproprier. »

En accolant plusieurs opinions : « Mémorable, cette pièce fait date, elle aborde notre essentiel. Passés les rires, reste le problème crucial qui nous tatoue. De chancelants, les personnages retrouvent leur équilibre… leurs racines »

Couleur locale et jeune public…
« Tout Cervantès est là… délocalisé à Tahiti ! », déclare une prof d’espagnol. Les quelques accents lyriques du roman initial ont certainement induit les passages au 'ōrero et au haka.  « Pas de folklore, au mauvais sens du terme, mais une continuité. Après tout, les jeunes en* sont imprégnés et les pratiquent à l’école comme dans leurs loisirs.»

« …il peut bien se faire que je gagne »
« Sentiments mis à nu, incarnés de façon poignante, déferlement d’images… L’histoire nous ramène à nos choix de vie et aux voies sans issue. Ce qui m’a complètement retournée : trop secouée pour en dire plus… », témoigne une trentenaire.

 « Moi, j’ai vite décroché de la Mancha pour squatter à Moruroa, et me laisser prendre par les clochards de To’ata, leur soif de justice. Une histoire qui s’inscrit, pour ma génération, sur la plateforme corallienne et les îles irradiées évacuées. Ça m’a fait d’autant plus mal ! »  

Avec la rythmique polynésienne du phrasé français, « la diction très naturelle des acteurs m’a épatée. Peut-être n’existe-t-il pas trop d’écarts entre la traduction du 19ème siècle et une langue qui, de la même époque, est usitée par les différentes confessions. » Dont le catéchisme des frères de Picpus, congrégation opérante dans la transposition scénique comme dans la vie courante actuelle des archipels polynésiens.

« Pourquoi ris-tu Sannos ? »
Destinée initialement à une tranche d’âge dépassant la douzaine d’années… vu la gymnastique mentale requise pour extrapoler de l’Espagne des Conquistadors à la condition de SDF sous l’alizé… la pièce a suscité un vif intérêt chez les scolaires à partir de 7-8 ans. Plus tôt, ce sont de mémorables « Oh ! »… « Même pas peur ! ». Nous le devons certainement à l’aspect spectaculaire du jeu, une scène mouvementée qui sollicite l’imaginaire et le goût de l’aventure. Un petit mélange entre légendes contemporaines à la Harry Potter, magie et connexité entre chevaliers médiévaux et héros mā'ohi.

Qu’ils soient en difficultés scolaires, déscolarisés ou bons élèves, les jeunes spectateurs collent au texte et le répètent en écholalie ! Se projetant dans « ces héros en chair et en os », le jeune public, popa'ā ou polynésien, adhère à « leur bravoure, à leur sens de la solidarité ». Certains s’identifient à « cet 'aito charpenté à la Moana, ce Ned Choquitto, alias Dylan Tiarii ».

« …cette fameuse salade, cet armet enchanté… »
énorme   surprise pour les deux acteurs qui se trouvent encouragés chaleureusement par des exclamations tout au long du spectacle !

Parlons genre… et jeu
« Farce burlesque et tragique à la Beckett, j’ai pensé à l’inventaire des Beaux Jours et à l’attente tragique de Godot… Jeu remarquable d’acteurs, expressifs et bouleversants. » « Production locale de très bonne qualité, approche rigoureuse par une mise en scène complexe, inventive… elle ménage surprises… humour et violence… une palette de nuances »

 « Les thèmes abordés dont le réquisitoire contre les dignitaires abusant de leur fonction, l’exclusion, les moyens fantasmés par l’un, mis en œuvre par l’autre, pour évacuer la réalité sordide et se reconstruire par le détour d’un univers idéalisé, nous interrogent, nous prennent par le cœur. »

Cascade d’images à l’emporte-pièce.
« De Cervantès à Ned Choquitto, même combat parodique contre les institutions qui écrasent : la noblesse-la raison d’État, l’Inquisition-l’évangélisation, l’argent-les retombées du nucléaire et la paupérisation qui s’ensuit. Les double-sens, savoureux tout ça ! »

 « Le jeu est excellent. Les acteurs le vivent à fond », « très belle performance », « Rien à jeter ! J'ai tout aimé : le jeu, le rythme, les images, les arrêts sur images, les prouesses acrobatiques… Impressionnants ! »
« Félicitations aux deux talentueux comédiens ! », commente le service communication du Petit Théâtre de Te Fare Tauhiti Nui

Un comique grinçant…
« Succulente, cette adaptation nous suggère la période dite "de contact" entre l’Occident débarquant et les insulaires du Pacifique… suite d’expéditions militaires ou missionnaires aux 18-19èmes siècles. Facile pour nous d’endosser les costumes d’antan… et de nous plonger dans ces allusions qui font encore partie de notre quotidien, de façon insidieuse. On rit, mais on rit jaune ! »

« Gens de l’autre monde, gens diaboliques... ! »
« Dans ce combat contre les mentalités rétrogrades, les ambitions démesurées, les abus de pouvoir, c’est le flambeau du petit qui s’allume… nos moulins à vent à nous ! »

 « Le décalage entre cette langue tenue et les tocades que développent les personnages pour travestir et supporter le réel retentit sur l’ensemble et lui prête un ton à la fois facétieux et pathétique. » « Le comique n’a pas besoin d’être vulgaire »...

Et si nous bousculions le metteur en scène ?
Reste cet écart, rarement contrôlable, entre les intentions du metteur en scène et la réception du public. Véritable énigme qui laisse perplexe Julien Gué : « Mon travail appartient désormais aux spectateurs… il n’est plus en ma possession ».

« Que votre Grâce, mon bon seigneur Ned Choquitto… »
Et les spectateurs de répondre : « Excusez-moi de l’interpréter à ma sauce : Moi, qui ne suis pas-du-tout-théâtre, je ne me suis pas ennuyé une seule seconde… Très visuel, très suggestif… Et si tu ne l’as pas mis directement dans le dialogue, émerge ce profond bouleversement de notre société tahitienne… Un tour de force !»

 « Je ne savais pas trop à quoi m'attendre, mais j'avais décidé de prendre un billet en soutien à la culture "indépendante". Un grand bravo pour la mise en scène originale et aux deux jeunes comédiens qui m'ont bluffée. Et vraiment que d’émotions fortes !

« Prenez garde mon frère »
Par contre, j'ai été déçue que la salle ne soit pas pleine. Dommage pour votre formidable travail. Où était l'intelligentsia tahitienne qui aime faire la belle au Fifo et certainement le lendemain à Pīna'ina'i. Elle se targue de mā'ohitude, mais là ce que vous nous avez offert vendredi soir m’a fait penser à Henri Hiro et aux 'arioi. »

Les coups d’encensoir
Pas d’avis défavorables à l’horizon : c’est rare. « En général les comblés et les râleurs se partagent la toile ! ». « Merveilleuse soirée… pièce exceptionnelle… originale… héroï-comique », « scotché par ce duo carabiné de comédiens bien trempés ! »

« Ô Dame de mon âme, Tetua Dulcinée de Tiputa ! »
Les deux jeunes acteurs, le même mois sont pressentis par le réalisateur de Fenua Image MB, Maki pour un court-métrage, Feti’a, qui remporte le Grand prix T-Tahiti film festival 2017 et celui de meilleur acteur ; Dylan pour le clip de Teiva LC – Ino te ta’ata.

Au-delà des ovations qui ont couronné les différentes représentations, les acteurs se sont fait empoigner en de longues embrassades ponctuées de larmes. Quand la parole fait place à l’enthousiasme : Mission accomplie ! Que demander de plus que cette communion prodiguée autant par les proches, que par les inconnus, les pros, les critiques !


Un article de Monak

*   "au 'ōrero" et au "haka: Adresse oratoire et défi scandé qui marquent l’identité de la culture orale polynésienne.
*   Pour en savoir davantage sur les acteurs et le metteur en scène de la Cie “To’u Fenua e motu” :
-          Le théâtre de Julien Gué


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